Dominique Courcelle a eu comme professeur de danse et de gymnastique Pilates Catherine Naivin, qui a elle-même été élève de Jérôme Andrews (voir le document historique ci-dessous).
MÉTHODE PILATES
Centre National de la Danse
1,
rue Victor-Hugo
93507
Pantin cedex
01
41 839 839
Dans le cadre de sa mission d’information et d’accompagnement du
secteur chorégraphique, le CND appréhende la santé comme une
question faisant partie intégrante de la pratique professionnelle du
danseur. À ce titre, il propose une information orientée autour de
la prévention et de la sensibilisation déclinée sous forme de
fiches pratiques.
Cette collection santé s’articule autour de trois thématiques :
nutrition, techniques corporelles ou somatiques et thérapies. Le CND
a sollicité des spécialistes de chacun de ces domaines pour la
conception et la rédaction de ces fiches.
Fiche réalisée en novembre 2010 pour le département Ressources
professionnelles par Maxime Rigobert, danseur interprète et
enseignant en danse contemporaine au CRR de Paris. Intéressé par
les pratiques somatiques et thérapies manuelles, il est également
praticien en Shiatsu et Ayurvéda.
Maxime Rigobert tient à remercier Solange Mignoton, Dominique Dupuy
et Dominique Praud pour leur précieuse aide.
Les informations pratiques (texte de référence, bibliographie,
webliographie, etc.) ont été mises à jour en juillet 2017.
INTRODUCTION
La méthode Pilates est une technique de travail du corps conçue, à
l’origine, dans un but curatif et préventif des problèmes et
accidents de la motricité. Elle fait partie des techniques
d’éducation et de rééducation fonctionnelle qui regroupent
aujourd'hui plusieurs approches visant à améliorer l'aisance du
mouvement par le développement de la conscience corporelle.
Aujourd’hui, la méthode Pilates est présente dans le monde entier
et est devenue un terme générique au même titre que le yoga.
Parmi les différents courants issus de la même méthode, celui qui
prédominera en France est développé par Jérôme Andrews. Il
évoluera parallèlement au monde de la danse et il en émanera une
analyse et un sens du mouvement poussé qui le rendront proche d’une
pratique artistique. Il existe également depuis peu en France des
courants issus de la méthode américaine.
SOMMAIRE
Qui était Joseph Pilates ?
Quand et comment la
méthode est-elle arrivée en France ?
En quoi consiste
la méthode ?
Quelles sont les
applications thérapeutiques ?
QUI ETAIT JOSEPH PILATES ?
Né près de Düsseldorf en Allemagne en 1880, Joseph Hubertus
Pilates était un enfant asthmatique considéré comme fragile par
les médecins. Pour pallier ses problèmes de santé, il lui était,
entre autres, prescrit de faire des exercices physiques réguliers.
Athlète accompli, il pratiqua divers sports, développant ainsi une
musculature importante.
En 1912, Pilates s’installe en Angleterre où il travaille comme
boxeur professionnel et professeur d’autodéfense. Durant la guerre
de 1914-1918, il se retrouve prisonnier et est placé comme infirmier
dans un camp pour blessés militaires. Dans le cadre de son travail
auprès des blessés de guerre, il élabore toute une série
d’exercices physiques en utilisant les lits des patients pour leur
permettre de retrouver leur mobilité et surtout leur musculature.
C’est à partir d’un système d’anneaux et de ressorts
accrochés à la structure des lits – créant ainsi des résistances
–, qu’il contribue à leur rééducation. C’est de là qu’est
issu l’« Universal Reformer» (machine horizontale). Il sera
constaté que les blessés bénéficiant de ses soins se rétabliront
plus rapidement que les autres.
Après la guerre, Joseph Pilates rentre à Hambourg en Allemagne où
il définit plus précisément sa méthode et son équipement. À
cette époque, on pense qu’il fait la connaissance de Rudolf Von
Laban. Cette rencontre serait son premier contact avec le monde de la
danse qui deviendra par la suite un terrain propice à
l’approfondissement de sa recherche.
En 1926, Pilates quitte l’Allemagne pour les États-Unis. Arrivé à
New York, il ouvre son propre studio. Il suscite l’intérêt du
milieu de la danse qui adhérera à sa démarche et qui la diffusera
à long terme. Dans les années trente, il travaille en étroite
collaboration avec Ruth St Denis et Ted Shawn. Les bienfaits de sa
méthode l’amènent à travailler aussi avec Martha Graham (dont
tous les danseurs pratiqueront la méthode), George Balanchine, Hanya
Holm et Jérôme Andrews. Pilates préférait travailler avec des
danseurs car ils avaient l’intuition du mouvement.
À la mort de Joseph Pilates en 1967, nombre de ses élèves et
assistants ouvrent leur propre studio, certains respectant
scrupuleusement la méthode et d’autres la faisant évoluer. Cela
aura pour effet d’ouvrir son travail à un plus large public qu’aux
seuls sportifs et milieu de la danse américaine.
Pilates ne laissa aucune directive particulière en ce qui concerne
sa méthode, sur la façon de la pratiquer ou de l’enseigner. Les
deux seuls livres qu’il écrivit, Your Health (1934) et
Return to life through contrology (1945, co-écrit avec
William John Miller) ne concernent pas le travail sur les machines.
Les premiers écrits sur le travail des machines n’apparaissent
qu’en 1981 avec The Pilates Method of Physical and Mental
Conditioning de Eisen et Friedman. Il existe encore aujourd’hui
très peu d’écrits. La transmission reste avant tout orale, basée
sur un savoir pratique plus important que sur un savoir théorique.
QUAND ET COMMENT LA METHODE EST-ELLE ARRIVEE EN FRANCE ?
C’est par Jérôme Andrews (1908-1992) que la méthode Pilates et
ses Apparatus (appareils) arrivent en France dans les années
cinquante. Danseur américain, il est considéré comme l’un des
plus brillants de sa génération. Il étudie auprès de Ruth St
Denis, Martha Graham et Doris Humphrey pour laquelle il danse.
Suite à une double fracture des métatarses à la retombée d’un
saut, J. Andrews rencontre Joseph Pilates. Il devient par la suite
son élève et finit par être son assistant. Au Studio, il
développera plus particulièrement un travail auprès des danseurs.
Refusant la proposition de Joseph Pilates de prendre la direction de
son studio, Jérôme Andrews choisit de s’installer en France dans
les années cinquante et d’y fonder sa propre compagnie de danse.
Il introduit à cette époque l’une des machines proche de
l’Universal Reformer (la table, version pliante de voyage).
Par la suite, faisant appel à un architecte de Beaubourg, il fait
construire d’après un plan la deuxième machine sur laquelle il
travaille, appelée High Chair (la chaise).
Selon Solange Mignoton (interprète pendant 39 ans auprès de Jérôme
Andrews), à son arrivée, il n’a pas pour but de faire connaître
le travail de Pilates et ne se sert des machines qu’à des fins
personnelles. Il se consacre à développer sa propre écriture
chorégraphique. Ce n’est que plus tard qu’il initie à la
machine ses premiers danseurs, dont Jacqueline Robinson, Solange
Mignoton et plus tard Françoise et Dominique Dupuy. Vers la fin des
années soixante, lors de stages, il présentera sa machine à un
plus large public de danseurs. En sortant du cadre thérapeutique et
rééducatif dans lequel était inscrite la méthode, J. Andrews en
fait un nouveau moyen d’appréhender le mouvement. C’est ce
travail et cette pensée, relayés par certains danseurs de J.
Andrews, qui ont contribué jusqu’à aujourd’hui à faire
connaître et reconnaître la méthode Pilates dans le milieu de la
danse.
La méthode s’est développée en France selon deux orientations
distinctes. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, des studios
reposant sur la méthode américaine se sont ouverts, tandis que
certains danseurs ont perpétué l’héritage de Jérôme Andrews.
Dominique Dupuy en est une des figures emblématiques.
EN QUOI CONSISTE LA METHODE ?
La méthode Pilates s’organise autour de trois axes principaux : le
travail au sol, le bâton, les machines. Il existe aussi un travail à
la barre spécifique aux danseurs, mais qui ne fait pas partie de la
pratique d’origine de Joseph Pilates.
Le travail au sol
Il est conçu dès le départ par Pilates comme un élément
important de la pratique. Il est principalement envisagé dans une
visée préparatoire, pour rendre le corps disponible à travers des
exercices de dissociation. Les notions d’ancrage et d’appuis sont
très présentes et parallèles au travail sur les machines. Elles
serviront d’éveil et de test aux relations de force dans le corps.
Des exercices spécifiques sur la respiration en font aussi partie.
On retrouve systématiquement dans chaque enseignement l’exercice
des cents1 (The Hundred), élément
récurrent de la pratique au sol.
Le bâton
Présent aussi dès l’origine, Pilates s’en sert plus comme un
accessoire et ne cherche pas à en faire une pratique indépendante.
Ce bâton en bois, long de 60 cm et de 5 cm de diamètre, sert de
prise directionnelle pour le corps (colonne vertébrale, bras). Avec
Jérôme Andrews, il est un support pour se mouvoir. Il peut servir
comme initiateur du mouvement et aide dans la conscience de
l’ouverture de l’espace. Il fait le lien avec le travail de la
machine à travers les actions que l’on retrouve plus tard :
pousser, repousser et résister.
Les cents : exercice
d’échauffement qui vise à dynamiser la circulation sanguine. Il
se réalise en appui sur les lombaires, jambes
et
bras
surélevés
par
rapport
sol
et
allant
dans
la
même
direction
(diagonale).
L’enchaînement
s’exécute
dans
cette position par de
petites secousses rapides des bras vers les jambes associées à
l’expiration. Le but est de réaliser cent expirations à partir
d’une seule inspiration (l’exercice s’effectue avec ou sans le
bâton).
Les machines
Le travail sur les machines se pratique toujours en séance
individuelle. Il se déroule sous la vigilance d’un praticien qui
veille à prendre connaissance des éventuelles pathologies de son
élève.
Il existe environ une dizaine de machines créées par Pilates. Deux
sont principalement connues et utilisées par les danseurs dans le
cadre de la méthode issue de J.Andrews :
- l’une horizontale : l’Universal Reformer, aussi appelée «la table», est la plus utilisée ;
- la seconde verticale : la High chair ou encore «la chaise».
Ces machines ne sont pas entièrement fixes et possèdent des parties
mobiles : pour la table, le chariot ; pour la chaise, la barre ou la
planche. Elles sont reliées entre elles par des ressorts.
DESCRIPTION ET PRINCIPES DES EXERCICES
Une fois le corps posé sur ces instruments, il s’agit pour
l’utilisateur, à travers les actions de pousser, repousser et
résister, de conduire et de contrôler le parcours des parties
mobiles soumises à la force contraire des ressorts.
Le rôle des appuis est majeur (pieds, mains, bassin, tête, dos,
genoux…). Ils sont sollicités tour à tour sur ces supports fixes
et mobiles, permettant d’observer des changements de relation à la
gravité et des variations de la perception du centre du corps. Des
organisations inhabituelles et méconnues mettent en évidence les
relations entre le haut et le bas du corps, interrogeant la notion de
verticalité. Pensé dans un sens de globalité, le travail est axé
sur l’organisation, la coordination et les relais du mouvement dans
le corps.
Le travail privilégie davantage les muscles profonds et les muscles
réflexes que les chaînes musculaires superficielles. Les
combinaisons comprises dans un aller et retour, comme dans la méthode
Feldenkrais, sont nécessaires à l’efficacité des exercices et se
réalisent principalement sur le plan sagittal et un peu sur le plan
frontal. La torsion, très peu présente, intervient dans une
pratique plus avancée car elle complexifie les paramètres
kinesthésiques2.
Influencée par le yoga, la place de la respiration est importante et
s’associe à travers l’inspire et l’expire au mouvement,
contribuant ainsi à sa bonne réalisation. On privilégie la qualité
d’un exercice plutôt que sa quantité. L’intensité du travail
nécessite aussi des temps de pause et de récupération.
Dans la méthode américaine, conçue au départ avec un objectif de
rééducation et de prévention, de nombreux exercices prennent
source au centre du corps que Pilates appelle Power House. La
méthode américaine est plus axée sur la musculature et s’attarde
sur le travail de la ceinture abdominale. On parle d’alignement de
la colonne vertébrale, de tonus musculaire, d’équilibre et de
symétrie du corps dans un sens de correction de la posture mais
aussi d’esthétisme.
La méthode peut prendre des axes très différents en fonction de la
démarche du praticien. Dans la méthode issue de J. Andrews, on
parle plus volontiers du toucher, de la peau, de la perception,
d’espace de projection, de conscience du squelette, au-delà des
formes. Elle s’attarde, à travers des sensations internes, à
remettre constamment en jeu nos acquis mécaniques.
- Kinesthésique : relatif à la kinesthésie ; sensibilité nerveuse consciente concernant les muscles, leur position, leur tension et leur mouvement.
QUELLES SONT LES APPLICATIONS THERAPEUTIQUES ?
La
méthode a été conçue dans un but rééducatif et préventif.
Elle fait aujourd’hui partie de programmes de rééducation dans
certains hôpitaux aux États-Unis, notamment en médecine sportive.
Son utilisation permet de soulager un grand nombre de lombalgies, de
scolioses, d’arthroses, de problèmes de rhumatisme. Elle est
bénéfique dans les pathologies du genou qu’il s’agisse
d’entorses, de problèmes de ligaments croisés (opérés ou non)
et dans les problèmes de la cheville (fragilité, hyperlaxité et
entorse).
Elle consolide et évite les risques de récidives. Pour les athlètes
et les danseurs, elle est un moyen de réduire les déséquilibres et
les inégalités musculaires liées à la répétition de leur
discipline qui privilégie souvent un côté plus que l’autre. Elle
est d’ores et déjà utilisée dans des conservatoires nationaux,
des studios privés, des compagnies de danse en France et à
l’étranger et fait partie de programmes de mise en forme de
sportifs de haut niveau.
Enfin,
elle constitue une technique d’échauffement très efficace.
POUR EN SAVOIR PLUS
Bibliographie
sélective
Darcey Bussell,
Pilates, éd. Marabout, 2008.
Dominique Dupuy, « Faire machine avant », Nouvelles de danse,
n° 17, octobre 1993, consultable à la médiathèque du CND.
Philip
Friedman et Gail Eisen, The
Pilates Method of physical and mental conditioning,
éd. Studio, 2004.
Sean
P. Gallager et Romana Krysanowska,
The
Joseph H. Pilates Archive Collection (Photographs, writings and
designs), Bain
Bridge Book, Philadelphia, 2000.
The
Pilates Method of Body Conditioning,
Bain Bridge Book, Philadelphia, 1999. Joyce
Gavin, La méthode
Pilates, éd.
Parragon, 2007.
Rael Isacowitz, Le
Pilates. La véritable encyclopédie de la méthode Pilates,
éd. De Vecchi, 2008. Dominique Praud, « L’accès au langage »,
dossier sur la méthode Pilates, Cahier
Alfred Binet (Éducation, psychologie et science de l’enfance),
n° 665, Éres Revue.
Sites
Site de la
Fédération des Professionnels de la Méthode Pilates (France)
La FPMP (précédemment FF3P) a pour ambition de faire reconnaître
l’enseignement de la Méthode Pilates comme un métier à part
entière, de construire et faire vivre une communauté
professionnelle autour de la Méthode Pilates, et de faire connaître
au public les bienfaits d’une pratique de qualité, encadrée par
un professionnel formé de façon spécifique à cet enseignement. La
FPMP a créé un Label de Qualité appelé Certification FPMP, pour
les professionnels, et agrée des écoles de formation.