lundi 15 octobre 2018

MÉTHODE PILATES


Dominique Courcelle a eu comme professeur de danse et de gymnastique Pilates Catherine Naivin, qui a elle-même été élève de Jérôme Andrews (voir le document historique ci-dessous).

MÉTHODE PILATES


Centre National de la Danse
1, rue Victor-Hugo
93507 Pantin cedex
01 41 839 839

Dans le cadre de sa mission d’information et d’accompagnement du secteur chorégraphique, le CND appréhende la santé comme une question faisant partie intégrante de la pratique professionnelle du danseur. À ce titre, il propose une information orientée autour de la prévention et de la sensibilisation déclinée sous forme de fiches pratiques.

Cette collection santé s’articule autour de trois thématiques : nutrition, techniques corporelles ou somatiques et thérapies. Le CND a sollicité des spécialistes de chacun de ces domaines pour la conception et la rédaction de ces fiches.



Fiche réalisée en novembre 2010 pour le département Ressources professionnelles par Maxime Rigobert, danseur interprète et enseignant en danse contemporaine au CRR de Paris. Intéressé par les pratiques somatiques et thérapies manuelles, il est également praticien en Shiatsu et Ayurvéda.
Maxime Rigobert tient à remercier Solange Mignoton, Dominique Dupuy et Dominique Praud pour leur précieuse aide.

Les informations pratiques (texte de référence, bibliographie, webliographie, etc.) ont été mises à jour en juillet 2017.

INTRODUCTION

La méthode Pilates est une technique de travail du corps conçue, à l’origine, dans un but curatif et préventif des problèmes et accidents de la motricité. Elle fait partie des techniques d’éducation et de rééducation fonctionnelle qui regroupent aujourd'hui plusieurs approches visant à améliorer l'aisance du mouvement par le développement de la conscience corporelle. Aujourd’hui, la méthode Pilates est présente dans le monde entier et est devenue un terme générique au même titre que le yoga.

Parmi les différents courants issus de la même méthode, celui qui prédominera en France est développé par Jérôme Andrews. Il évoluera parallèlement au monde de la danse et il en émanera une analyse et un sens du mouvement poussé qui le rendront proche d’une pratique artistique. Il existe également depuis peu en France des courants issus de la méthode américaine.

SOMMAIRE

Qui était Joseph Pilates ?

Quand et comment la méthode est-elle arrivée en France ?
En quoi consiste la méthode ?
Quelles sont les applications thérapeutiques ?
QUI ETAIT JOSEPH PILATES ?

Né près de Düsseldorf en Allemagne en 1880, Joseph Hubertus Pilates était un enfant asthmatique considéré comme fragile par les médecins. Pour pallier ses problèmes de santé, il lui était, entre autres, prescrit de faire des exercices physiques réguliers. Athlète accompli, il pratiqua divers sports, développant ainsi une musculature importante.

En 1912, Pilates s’installe en Angleterre où il travaille comme boxeur professionnel et professeur d’autodéfense. Durant la guerre de 1914-1918, il se retrouve prisonnier et est placé comme infirmier dans un camp pour blessés militaires. Dans le cadre de son travail auprès des blessés de guerre, il élabore toute une série d’exercices physiques en utilisant les lits des patients pour leur permettre de retrouver leur mobilité et surtout leur musculature. C’est à partir d’un système d’anneaux et de ressorts accrochés à la structure des lits – créant ainsi des résistances –, qu’il contribue à leur rééducation. C’est de là qu’est issu l’« Universal Reformer» (machine horizontale). Il sera constaté que les blessés bénéficiant de ses soins se rétabliront plus rapidement que les autres.

Après la guerre, Joseph Pilates rentre à Hambourg en Allemagne où il définit plus précisément sa méthode et son équipement. À cette époque, on pense qu’il fait la connaissance de Rudolf Von Laban. Cette rencontre serait son premier contact avec le monde de la danse qui deviendra par la suite un terrain propice à l’approfondissement de sa recherche.

En 1926, Pilates quitte l’Allemagne pour les États-Unis. Arrivé à New York, il ouvre son propre studio. Il suscite l’intérêt du milieu de la danse qui adhérera à sa démarche et qui la diffusera à long terme. Dans les années trente, il travaille en étroite collaboration avec Ruth St Denis et Ted Shawn. Les bienfaits de sa méthode l’amènent à travailler aussi avec Martha Graham (dont tous les danseurs pratiqueront la méthode), George Balanchine, Hanya Holm et Jérôme Andrews. Pilates préférait travailler avec des danseurs car ils avaient l’intuition du mouvement.


À la mort de Joseph Pilates en 1967, nombre de ses élèves et assistants ouvrent leur propre studio, certains respectant scrupuleusement la méthode et d’autres la faisant évoluer. Cela aura pour effet d’ouvrir son travail à un plus large public qu’aux seuls sportifs et milieu de la danse américaine.

Pilates ne laissa aucune directive particulière en ce qui concerne sa méthode, sur la façon de la pratiquer ou de l’enseigner. Les deux seuls livres qu’il écrivit, Your Health (1934) et Return to life through contrology (1945, co-écrit avec William John Miller) ne concernent pas le travail sur les machines. Les premiers écrits sur le travail des machines n’apparaissent qu’en 1981 avec The Pilates Method of Physical and Mental Conditioning de Eisen et Friedman. Il existe encore aujourd’hui très peu d’écrits. La transmission reste avant tout orale, basée sur un savoir pratique plus important que sur un savoir théorique.

QUAND ET COMMENT LA METHODE EST-ELLE ARRIVEE EN FRANCE ?


C’est par Jérôme Andrews (1908-1992) que la méthode Pilates et ses Apparatus (appareils) arrivent en France dans les années cinquante. Danseur américain, il est considéré comme l’un des plus brillants de sa génération. Il étudie auprès de Ruth St Denis, Martha Graham et Doris Humphrey pour laquelle il danse.

Suite à une double fracture des métatarses à la retombée d’un saut, J. Andrews rencontre Joseph Pilates. Il devient par la suite son élève et finit par être son assistant. Au Studio, il développera plus particulièrement un travail auprès des danseurs.
Refusant la proposition de Joseph Pilates de prendre la direction de son studio, Jérôme Andrews choisit de s’installer en France dans les années cinquante et d’y fonder sa propre compagnie de danse. Il introduit à cette époque l’une des machines proche de l’Universal Reformer (la table, version pliante de voyage). Par la suite, faisant appel à un architecte de Beaubourg, il fait construire d’après un plan la deuxième machine sur laquelle il travaille, appelée High Chair (la chaise).

Selon Solange Mignoton (interprète pendant 39 ans auprès de Jérôme Andrews), à son arrivée, il n’a pas pour but de faire connaître le travail de Pilates et ne se sert des machines qu’à des fins personnelles. Il se consacre à développer sa propre écriture chorégraphique. Ce n’est que plus tard qu’il initie à la machine ses premiers danseurs, dont Jacqueline Robinson, Solange Mignoton et plus tard Françoise et Dominique Dupuy. Vers la fin des années soixante, lors de stages, il présentera sa machine à un plus large public de danseurs. En sortant du cadre thérapeutique et rééducatif dans lequel était inscrite la méthode, J. Andrews en fait un nouveau moyen d’appréhender le mouvement. C’est ce travail et cette pensée, relayés par certains danseurs de J. Andrews, qui ont contribué jusqu’à aujourd’hui à faire connaître et reconnaître la méthode Pilates dans le milieu de la danse.

La méthode s’est développée en France selon deux orientations distinctes. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, des studios reposant sur la méthode américaine se sont ouverts, tandis que certains danseurs ont perpétué l’héritage de Jérôme Andrews. Dominique Dupuy en est une des figures emblématiques.


EN QUOI CONSISTE LA METHODE ?


La méthode Pilates s’organise autour de trois axes principaux : le travail au sol, le bâton, les machines. Il existe aussi un travail à la barre spécifique aux danseurs, mais qui ne fait pas partie de la pratique d’origine de Joseph Pilates.

Le travail au sol

Il est conçu dès le départ par Pilates comme un élément important de la pratique. Il est principalement envisagé dans une visée préparatoire, pour rendre le corps disponible à travers des exercices de dissociation. Les notions d’ancrage et d’appuis sont très présentes et parallèles au travail sur les machines. Elles serviront d’éveil et de test aux relations de force dans le corps. Des exercices spécifiques sur la respiration en font aussi partie. On retrouve systématiquement dans chaque enseignement l’exercice des cents1 (The Hundred), élément récurrent de la pratique au sol.


Le bâton

Présent aussi dès l’origine, Pilates s’en sert plus comme un accessoire et ne cherche pas à en faire une pratique indépendante. Ce bâton en bois, long de 60 cm et de 5 cm de diamètre, sert de prise directionnelle pour le corps (colonne vertébrale, bras). Avec Jérôme Andrews, il est un support pour se mouvoir. Il peut servir comme initiateur du mouvement et aide dans la conscience de l’ouverture de l’espace. Il fait le lien avec le travail de la machine à travers les actions que l’on retrouve plus tard : pousser, repousser et résister.



Les cents : exercice d’échauffement qui vise à dynamiser la circulation sanguine. Il se réalise en appui sur les lombaires, jambes et bras surélevés par rapport sol et allant dans la même direction (diagonale). L’enchaînement s’exécute dans cette position par de petites secousses rapides des bras vers les jambes associées à l’expiration. Le but est de réaliser cent expirations à partir d’une seule inspiration (l’exercice s’effectue avec ou sans le bâton).

Les machines

Le travail sur les machines se pratique toujours en séance individuelle. Il se déroule sous la vigilance d’un praticien qui veille à prendre connaissance des éventuelles pathologies de son élève.
Il existe environ une dizaine de machines créées par Pilates. Deux sont principalement connues et utilisées par les danseurs dans le cadre de la méthode issue de J.Andrews :

  • l’une horizontale : l’Universal Reformer, aussi appelée «la table», est la plus utilisée ;
  • la seconde verticale : la High chair ou encore «la chaise».
Ces machines ne sont pas entièrement fixes et possèdent des parties mobiles : pour la table, le chariot ; pour la chaise, la barre ou la planche. Elles sont reliées entre elles par des ressorts.


DESCRIPTION ET PRINCIPES DES EXERCICES

Une fois le corps posé sur ces instruments, il s’agit pour l’utilisateur, à travers les actions de pousser, repousser et résister, de conduire et de contrôler le parcours des parties mobiles soumises à la force contraire des ressorts.
Le rôle des appuis est majeur (pieds, mains, bassin, tête, dos, genoux…). Ils sont sollicités tour à tour sur ces supports fixes et mobiles, permettant d’observer des changements de relation à la gravité et des variations de la perception du centre du corps. Des organisations inhabituelles et méconnues mettent en évidence les relations entre le haut et le bas du corps, interrogeant la notion de verticalité. Pensé dans un sens de globalité, le travail est axé sur l’organisation, la coordination et les relais du mouvement dans le corps.

Le travail privilégie davantage les muscles profonds et les muscles réflexes que les chaînes musculaires superficielles. Les combinaisons comprises dans un aller et retour, comme dans la méthode Feldenkrais, sont nécessaires à l’efficacité des exercices et se réalisent principalement sur le plan sagittal et un peu sur le plan frontal. La torsion, très peu présente, intervient dans une pratique plus avancée car elle complexifie les paramètres kinesthésiques2.

Influencée par le yoga, la place de la respiration est importante et s’associe à travers l’inspire et l’expire au mouvement, contribuant ainsi à sa bonne réalisation. On privilégie la qualité d’un exercice plutôt que sa quantité. L’intensité du travail nécessite aussi des temps de pause et de récupération.

Dans la méthode américaine, conçue au départ avec un objectif de rééducation et de prévention, de nombreux exercices prennent source au centre du corps que Pilates appelle Power House. La méthode américaine est plus axée sur la musculature et s’attarde sur le travail de la ceinture abdominale. On parle d’alignement de la colonne vertébrale, de tonus musculaire, d’équilibre et de symétrie du corps dans un sens de correction de la posture mais aussi d’esthétisme.

La méthode peut prendre des axes très différents en fonction de la démarche du praticien. Dans la méthode issue de J. Andrews, on parle plus volontiers du toucher, de la peau, de la perception, d’espace de projection, de conscience du squelette, au-delà des formes. Elle s’attarde, à travers des sensations internes, à remettre constamment en jeu nos acquis mécaniques.


  1. Kinesthésique : relatif à la kinesthésie ; sensibilité nerveuse consciente concernant les muscles, leur position, leur tension et leur mouvement.

QUELLES SONT LES APPLICATIONS THERAPEUTIQUES ?


La méthode a été conçue dans un but rééducatif et préventif.
Elle fait aujourd’hui partie de programmes de rééducation dans certains hôpitaux aux États-Unis, notamment en médecine sportive. Son utilisation permet de soulager un grand nombre de lombalgies, de scolioses, d’arthroses, de problèmes de rhumatisme. Elle est bénéfique dans les pathologies du genou qu’il s’agisse d’entorses, de problèmes de ligaments croisés (opérés ou non) et dans les problèmes de la cheville (fragilité, hyperlaxité et entorse).
Elle consolide et évite les risques de récidives. Pour les athlètes et les danseurs, elle est un moyen de réduire les déséquilibres et les inégalités musculaires liées à la répétition de leur discipline qui privilégie souvent un côté plus que l’autre. Elle est d’ores et déjà utilisée dans des conservatoires nationaux, des studios privés, des compagnies de danse en France et à l’étranger et fait partie de programmes de mise en forme de sportifs de haut niveau.
Enfin, elle constitue une technique d’échauffement très efficace.


POUR EN SAVOIR PLUS

Bibliographie sélective
Darcey Bussell, Pilates, éd. Marabout, 2008.
Dominique Dupuy, « Faire machine avant », Nouvelles de danse, n° 17, octobre 1993, consultable à la médiathèque du CND.
Philip Friedman et Gail Eisen, The Pilates Method of physical and mental conditioning, éd. Studio, 2004.
Sean P. Gallager et Romana Krysanowska,
The Joseph H. Pilates Archive Collection (Photographs, writings and designs), Bain Bridge Book, Philadelphia, 2000.
The Pilates Method of Body Conditioning, Bain Bridge Book, Philadelphia, 1999. Joyce Gavin, La méthode Pilates, éd. Parragon, 2007.
Rael Isacowitz, Le Pilates. La véritable encyclopédie de la méthode Pilates, éd. De Vecchi, 2008. Dominique Praud, « L’accès au langage », dossier sur la méthode Pilates, Cahier Alfred Binet (Éducation, psychologie et science de l’enfance), n° 665, Éres Revue.

Sites

Site de la Fédération des Professionnels de la Méthode Pilates (France)
La FPMP (précédemment FF3P) a pour ambition de faire reconnaître l’enseignement de la Méthode Pilates comme un métier à part entière, de construire et faire vivre une communauté professionnelle autour de la Méthode Pilates, et de faire connaître au public les bienfaits d’une pratique de qualité, encadrée par un professionnel formé de façon spécifique à cet enseignement. La FPMP a créé un Label de Qualité appelé Certification FPMP, pour les professionnels, et agrée des écoles de formation.